DOSSIER : SUICIDE, TRAVAIL & CHÔMAGE – ÉLÉMENTS D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION

DOSSIER : SUICIDE, TRAVAIL & CHÔMAGE – ÉLÉMENTS D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION

SUICIDE, TRAVAIL & CHÔMAGE 
ÉLÉMENTS D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION

Dans son dernier rapport, l’Observatoire National du Suicide interroge les liens entre suicide, travail et chômage. Un premier dossier rappelle que les suicides liés au travail ou au chômage sont des phénomènes difficiles à saisir d’un point de vue statistique. Dans cette perspective, le second dossier décrit les améliorations en cours ou à venir des sources administratives ou statistiques. Les 18 fiches du rapport exposent quant à elles les chiffres du suicide en France, et détaillent notamment le suicide dans certaines professions spécifiques. Au-delà des données, certaines fiches sont l’occasion de découvrir des dispositifs de prévention du suicide, d’initiative publique ou privée, ou encore des systèmes de remontées de données spécifiques.

Contexte

En France, en 2013, un décès avant l’âge de 65 ans sur treize chez les hommes et un décès sur vingt et un chez les femmes est un suicide (DRESS, 2013). Dès lors le suicide est une cause de mortalité fréquente parmi les personnes en âge d’être actives. Le contenu du travail ou des conditions de travail délétères peuvent être source de stress et conduire, à terme, à des comportements suicidaires.  Le risque de décès par suicide des chômeurs est supérieur à celui des actifs en emploi, en particulier chez les hommes entre 25 et 49 ans, et cela d’autant plus que la période de chômage est longue.

Le dossier numéro un s’avère très éclairant sur les différentes raisons, tant intrinsèques au suicide que statistiques, qui rendent difficile, voire impossible, la tâche d’isoler le travail ou le chômage comme responsable d’un suicide. En effet, le suicide est toujours multifactoriel : il s’avère très délicat d’établir un lien direct entre causalité d’un seul facteur et suicide. De part cette difficulté à quantifier et évaluer le phénomène, il en résulte une attribution récurrente et pas forcément vérifiée, du geste suicidaire au travail à une fragilité individuelle plutôt qu’à une cause professionnelle.

1) Suicide et travail

Aujourd’hui il est clairement établi que certains facteurs en lien avec l’organisation au travail et certains types de management peuvent engendrer du stress au travail et ainsi créer des risques psychosociaux. S’il est impossible d’établir un lien direct de causalité entre travail et suicide, certains indicateurs tendent à montrer la surmortalité évidente par suicide dans certaines professions ou entreprises, comme c’est le cas pour les exploitants agricoles, les entrepreneurs en situation de fragilité économique ou encore les policiers ou les agents pénitentiaires. Dès lors, les risques psychosociaux associés doivent être identifiés, évalués et une prévention dédiée doit être mise en place.

Les facteurs associés à des répercussions sur la santé mentale des professionnels et concourant ainsi à un risque suicidaire accru y sont mis en lumière.  Ainsi, des conditions de travail complexes peuvent être facteurs de stress : charge de travail conséquente, multiplicité et complexité des tâches, délais courts de réalisation,  faibles moyens humains et techniques, horaires décalés. Les relations interpersonnelles, l’ambiance de travail peuvent aussi être facteurs de stress : mauvaise qualité des échanges, faible coopération ou collaboration avec l’équipe, faible reconnaissance par la hiérarchie ou absence de soutien… Le harcèlement moral au travail élève considérablement le risque d’intention suicidaire, qui serait d’autant plus important s’il émane du supérieur hiérarchique.

C. Dejours a également mis en évidence que les personnes qui se suicident à cause du travail, sont la plupart du temps des personnes très investies et très performantes dans leur travail. Le sens du travail se trouve alors pour eux impacté, eux qui ont une conscience professionnelle forte et cette perte de sens peut conduire au phénomène du suicide

Dans ces dossiers sont présentés différentes pistes de prévention, dont certaines sont mises en place et réévaluées dans certains secteurs comme l’agriculture. En voici les principales :

  • Remontées d’informations dédiées à un secteur d’activité
  • Accompagnement d’aide psychologique avec un réseau de sentinelles (par exemple le dispositif d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë)
  • Un programme de mobilisation contre le suicide et une cellule de prévention du suicide (CAPS) pour la police nationale
  • La prise en compte des risques psychosociaux au travail par les employeurs avec une obligation de rédiger un DUER (document comprenant une partie d’évaluation des risques et précision d’un plan d’action adapté)

2) Suicide et chômage

De la même façon, il reste très complexe d’établir un lien de causalité direct entre le chômage et le suicide.  Le chômage peut nuire à la santé mentale, mais une mauvaise santé peut avoir des effets néfastes sur la participation au marché du travail et à la recherche ou l’obtention d’un emploi. Concernant le vécu subjectif du chômage, il apparait que ce dernier peut entraîner une dégradation de la santé mentale, une dépression et conduire au suicide, mais ses mécanismes psychiques sont encore à explorer avec précision. Il faut également étudier en profondeur le phénomène d’altération de la santé mentale, liée au chômage, en différenciant par exemple sa période : long épisode de chômage ou successions d’épisodes d’emplois précaires et de chômage.  Enfin, le chômage est souvent accompagné d’un risque de désocialisation. Cette période peut être vécue comme un événement traumatique. Il peut avoir des conséquences sur plusieurs sphères de la vie : famille, santé, relations sociales. Parmi les difficultés rencontrées : incertitude du lendemain, privation de revenus ou sentiment de « honte sociale ».

Plusieurs facteurs seraient susceptibles de réduire le risque de suicide, pendant une période de chômage. Au niveau individuel, avoir des activités extraprofessionnelles et attribuer une importance moindre au travail sont des pistes de prévention. Au niveau macrosociologique, des mesures qui permettraient de réduire le sentiment de honte associé au chômage comme la tolérance ou l’aide à la reprise d’une activité professionnelle sont envisagées.

Pour autant, les auteurs insistent sur la nécessité de comprendre la singularité du vécu du chômage.

 

Pour aller plus loin :